AU-DELA DE LA HAINE
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Quelqu’un a frappé à la porte… J’en suis sûr !
- « Monsieur Rivière, vous êtes-là ? Ouvrez s’il vous plaît c’est Madame De Suza… Monsieur… Oh Mon Dieu… Allo, les pompiers ? Pouvez-vous venir immédiatement à l’appartement 308 de l’immeuble « Les Eperviers » rue…. dans le xième… Je crains qu’il ne soit trop tard depuis longtemps d’après l’odeur… »
Madame De Suza… C’est « Mon ange gardien »… ça fait à peu près huit ans qu’elle est ma tutrice sur ordonnance de mon psy qui m’avait reconnu inapte à gérer mes affaires… Mes parents avaient d’abord été sollicités pour remplir cette tâche ingrate mais ils prétextèrent la distance et le fait qu’ils aient à l’époque un peu plus de soixante dix ans. J’ai regretté quelque temps ce refus mais à posteriori je sais qu’ils ont eu raison : il faut savoir être ferme avec des gars comme moi… et vis-à-vis des enfants, cela aurait encore creusé davantage le fossé de l’incompréhension…
Anaïs dorlotait son petit dernier comme elle avait su si bien le faire avec les trois premiers jusqu’à ce qu’ils aient atteints l’âge scolaire, mais soucieuse de laisser le « libre-arbitre » de leur personnalité elle leur laissait une totale liberté de choisir leur mode de vie sans les règles strictes que mes parents nous avaient largement imposés à mes sœurs et moi-même.
Si bien que les rares fois où j’emmenais l’un des enfants avec moi dans le Nord, il en revenait quasiment « traumatisé » d’avoir du se lever au plus tard à neuf trente, de faire absolument sa toilette après un petit-déjeuner obligatoire, de passer à table à midi et le soir à vingt heures, bref ce qui dans des familles aurait pu passer pour normal, devenait pour mes enfants une vie d’extra-terrestre. Ceci conjugué avec le drôle d’accent et la grosse voix de papi… l’enthousiasme n’était pas franchement au rendez-vous lors de ces quelques jours de « vacances ».
Devant le regard paniqué de leurs petits enfants ou leur moue butée, les grands-parents ne pouvaient s’empêcher lorsque j’emmenai pour calmer le jeu mon rejeton jouer dans la pelouse, de rejeter la faute de cette épouvantable éducation sur les épaules de cette bru parisienne qui décidément devrait une fois pour toute cesser d’enfanter des petits malheureux sans repère. Car bien évidemment s’ils évitaient de critiquer face aux enfants leur maman, je n’étais, moi, pas dispensé d’entendre dès que j’étais seul avec maman, ce qu’ils pensaient de mon épouse et de mon comportement trop laxiste envers femme et enfants.
Sans doute avaient-ils raison…
N’empêche que je n’en aimais pas moins mon Anaïs…
… même si nous nous éloignions de plus en plus…
Ce jour-là j’avais emmené Erwan avec moi au bois de Satory et tandis que je m’étonnais d’entendre de la musique résonner dans tout l’immeuble je m’aperçus qu’elle provenait de notre appartement.
J’entrai donc avec ma clef puisque de toute façon personne n’aurait entendu le coup de sonnette. Je distinguai tant bien que mal dans un épais brouillard de fumée de cigarettes voire d’herbe, des cartons de pizza ici et là, quelques bouteilles vides de coca et de whisky et toute une bande de petits cons, sans doute amis de mes plus grands.
Si l’idée que cela puisse arriver aux oreilles de mes chefs qui vivaient dans la même caserne m’ait quelques instants « chiffonné », la vue de mon Anaïs habituellement plutôt amorphe entrain de se trémousser comme une ado entre eux me fit immédiatement « péter un câble » et je virai tous ces indésirables, séance tenante.
Interloqués par cette colère aussi violente que rarissime, les enfants quittèrent également les lieux me laissant avec mon épouse hystérique qui me reprocha de rentrer ivre mort et violent et de m’être donné en spectacle…
Je tentai de lui expliquer que je n’avais rien bu de la journée mais que seul son comportement que je jugeais indécent, avait motivé ma colère mais elle ne m’écouta, conclut qu’elle ne vivrait plus un jour de plus avec un fou alcoolique et qu’elle me quittait.
C’est ce jour-là que j’ai gueulé comme un porc qu’on égorge…
Et puisque de toute façon elle semblait réellement me croire en pleine crise de délirium, tant qu’à en avoir « l’honneur » autant que ce soit vrai… J’ai donc fait la tournée des bars jusqu’à tomber dans le ruisseau…
Le lendemain elle bouclait ses bagages et ceux des enfants… me laissant seul avec mon désarroi et mes bouteilles.
- « Reculez-vous Madame, nous allons enfoncer la porte… Qui êtes-vous exactement ?... Il faudrait appeler la police, il y aura sûrement une enquête… Savez-vous s’il a de la famille ?... Il faudrait les prévenir… N’entrez pas… C’est pas beau à voir… Ca doit faire un sacré bout de temps qu’il est là… C’est incroyable qu’aucun voisin n’ait donné l’alerte… Notez : ‘mardi 30 juin 2009 avons retrouvé Monsieur Dimitri Rivière décédé depuis plusieurs jours voire semaines à déterminer après enquête’. »
La suite après quelques jours de patience svp...