De toute la journée, elle n'attendait que ce moment : rentrer chez elle pour consulter
sa boîte mail.
Elle n'a pas encore ôté son manteau, qu'elle a déjà branché l'ordinateur.
- "Il est si long à se mettre en route" se croit-elle obligée de dire pour se justifier.
Elle a perdu ce regard triste qu'elle affiche si souvent.
La lumière de l'écran n'est pas suffisante pour illuminer ainsi son visage : l'irradiation vient de l'intérieur.
Elle prend un air dégagé, pour ceux qui l'entourent, mais sa façon fiévreuse de manier la souris ne peux tromper
personne.
Elle ouvre en parallèle à sa messagerie, une recherche sur laquelle elle revient nerveusement, en retenant un claquement de langue excédé, à chaque fois que
l'on passe derrière son dos.
Elle lit, d'une apparence lascive, les jambes croisées, un bras replié sur le dossier du siège, mais du bout du pied, elle martèle la cadence des battements de son cœur.
Puis un sourire furtif glisse sur ses lèvres.
Elle décroise les jambes, redresse les épaules, rapproche sa chaise, et se met au clavier.
Ses doigts courent délivrer la réponse à son destinataire, à une vitesse vertigineuse.
L'inspiration semble jaillir de tout son être.
Puis elle s'arrête soudain, comme essoufflée.
Ses yeux prennent le relais de la course folle de ses phalanges maintenant immobiles, et, dans un soupir, elle clique sur "envoyer".
Elle ferme les fenêtres. Elle repousse le tiroir. S'étire nonchalamment. Son visage se referme.
Elle est amoureuse.
Claudie Becques